(Toronto) La défense, quoi d’autre ? Les Argonauts de Toronto étaient, et de loin, la meilleure équipe de la Ligue canadienne de football avant de rencontrer l’unité de Noel Thorpe. Grâce à un gain de 38-17, les Alouettes de Montréal participeront à la Coupe Grey pour la première fois en 13 ans.
Toute la semaine, les joueurs des Alouettes se sont fait rappeler qu’ils étaient inférieurs à ceux des Argonauts. Qu’ils arrivaient avec l’étiquette de laissés-pour-compte. Que leurs chances de l’emporter étaient minces contre une équipe affichant un dossier de 16 victoires et 2 défaites en saison régulière.
En territoire ennemi, beaucoup ne donnaient pas cher de la peau, ou du plumage, des Alouettes. La logique voulait qu’ils se fassent déplumer au terme de cette finale de l’Est.
Et Marc-Antoine Dequoy en avait marre. Vendredi, il avait déclaré aux médias qu’il en avait assez des a priori. Alors, le demi défensif a répondu de la plus belle des façons.
Dès le cinquième jeu de la rencontre, Dequoy a intercepté une passe de Chad Kelly. Cheveux au vent, face à la brise du lac Ontario, le Québécois a ramené le ballon sur 101 verges pour inscrire le premier touché des siens. Son troisième de la saison, qui plus est.
« C’était une couverture homme à homme. C’était une couverture zéro. Je suis mon homme, mon homme traverse, je ne comprends pas pourquoi il l’a lancé ! J’étais directement là. Il ne l’a pas lancé en avant, il l’a lancé dans ma poitrine. Ça m’a surpris. Je n’ai pas souvent couru longtemps en ligne droite comme ça », a expliqué Dequoy à bout de souffle sur le terrain après la rencontre.
Et ce coup de massue a été les prémices d’un match pendant lequel la défense des Alouettes a été époustouflante et sans reproche. Les Argos, deuxième équipe parmi les plus productives du football canadien en saison régulière, ont marqué seulement deux touchés dans le match le plus important depuis le début de la saison.
En fait, ça se résume en quelques mots. Tous les joueurs susceptibles de faire pencher la balance dans l’unité défensive montréalaise se sont levés.
Reggie Stubblefield, avec 11 plaqués et une interception. Darnell Sankey, avec une interception et un échappé recouvré. Lwal Uguak avec deux passes rabattues à la ligne de mêlée. Et autant de joueurs que de statistiques révélatrices pourraient s’ajouter à cette liste.
« Quand tu joues avec des gars qui sont là les uns pour les autres, qui travaillent fort et qui ne se plaignent jamais, c’est impossible de demander mieux. Nous avons une grande équipe composée de grands joueurs », a réagi Stubblefield, en se frappant les pectoraux comme Matthew McConaughey entre chaque réponse.
Toute l’année, cette brigade a été impériale, propulsant les Alouettes en éliminatoires et en sauvant une attaque souvent anémique. Il était hors de question que ça change à un match de la Coupe Grey.
« On entendait tout le monde dire : “Toronto par-ci, Toronto par-là”, mais nous savions que nous étions une meilleure équipe, a déclaré Sankey alors que son fard noir coulait sur son visage. J’ai dit qu’on n’allait plus perdre un match et je ne trouve pas que ce soit si farfelu comme déclaration. Tout le monde devrait penser ainsi. Je suis un compétiteur et personne ne devrait jouer pour perdre. Je pense qu’on peut gagner chaque match et je pense que nous gagnerons la Coupe Grey. »
Pour mettre toutes les chances de leur côté, les Alouettes ont dû trimer. Complètement désarçonné, et visiblement impuissant, Kelly a été incapable d’établir quoi que ce soit. Le manque d’expérience du quart torontois en éliminatoires aura sans doute été un facteur, car il a cassé dès le deuxième quart. La pression des joueurs des Alouettes a été constante, efficace et létale.
C’était ultimement la seule manière de gagner contre une attaque aussi dévastatrice. Il fallait être parfait. Et l’unité défensive l’a été.
L’attaque sauvée
En revanche, l’histoire s’est répétée également pour l’attaque menée par Cody Fajardo.
Même si les Alouettes font la fête en attendant leur vol de retour vers Montréal avant de repartir vers Hamilton, un fait demeure : n’eût été le rendement de la défense, cette rencontre aurait été beaucoup plus serrée. L’attaque n’a pas été extraordinaire, loin de là. Habituellement, une équipe qui génère 244 verges d’attaque en finale de division n’atteint pas la finale de la Coupe Grey.
La vérité est que l’unité dirigée par Anthony Calvillo s’en tire plutôt bien dans les circonstances. Elle est entrée en territoire ennemi pour la première fois du match avec 7 min 51 s à faire au deuxième quart.
« Ils ont été combatifs et ont bien exécuté leur plan de match, a dit l’entraîneur-chef Jason Maas. On devrait quand même s’y attarder pour être meilleurs. On en parle depuis le début de l’année, ça prend beaucoup de communication, surtout sur la ligne offensive. […] Mais on a fait assez de jeux pour marquer quand on avait besoin de marquer. »
Tyler Snead a été habile pour éviter un plaqué à une verge de la zone des buts avant d’y pénétrer, au milieu du troisième quart. Mais cette séquence est le seul réel moment de réjouissance de Fajardo dans ce match.
La ligne offensive des Alouettes n’a cependant pas fait de cadeaux à son quart-arrière. Fajardo a subi sept sacs du quart au cours de la rencontre. Il fallait s’y attendre, car les habitudes reviennent toujours au galop. Et cette lacune a marqué la saison des Moineaux.
« J’ai souvent été frappé dans ma carrière, probablement parce que je suis un quart mobile, a répondu Fajardo en point de presse à ce sujet. Après tout, leur défense était statistiquement la meilleure de la ligue. Donc on savait qu’ils allaient sortir fort. »
Les Argonauts méconnaissables
Les joueurs des Argonauts prendront sans doute énormément de recul, parce qu’il n’y aura rien de réjouissant à revoir et à analyser cette rencontre pendant laquelle rien n’a fonctionné. Les Argos ont heurté leur iceberg. Et le naufrage a été long et pénible.
Kelly a lancé 4 interceptions lors des trois premiers quarts. Il en avait provoqué 12 en 18 matchs de saison régulière.
En proie à la panique, il a trop souvent joué de manière désespérée pour espérer gagner. Comme son interception face à Sankey dans son propre territoire, où, en courant vers la gauche, il a tenté une passe renversée en plein centre au lieu d’encaisser le sac. Et le résultat n’a pas été à son avantage.
Et deux fois, le quart a été incapable de convertir des troisièmes essais et court. Un match à oublier pour le plus haut salarié de la LCF.
Même A.J. Ouellette, le porteur de ballon le plus dangereux de la LCF, a été invisible.
À la différence des Alouettes, l’attaque torontoise a été inefficace. Et surtout incapable de terminer le travail amorcé par une défense proactive. C’est là que le match s’est joué. Et c’est pourquoi les Argonauts ne seront pas à Hamilton malgré une saison historique.
Une victoire d’équipe
Sur le terrain, après le coup de sifflet final, c’était l’extase sur le banc montréalais. Noel Thorpe a d’ailleurs reçu la première douche de Gatorade. Les hommes en rouge venaient non seulement de causer la surprise, mais aussi de donner une chance à la ville de Montréal de se battre pour un championnat pour la première fois en plus d’une décennie.
Sur le gazon, des physiothérapeutes étaient au bord des larmes, des responsables de l’équipement se faisaient des accolades, des visages connus félicitaient de moins connus. Cette victoire n’est pas seulement celle des joueurs et des entraîneurs, c’est celle de toute l’équipe. Et celle du Québec, en quelque sorte.
« Je suis très calme, a lancé Dequoy, ironique. Ça fait 13 ans. Treize ans ! La dernière fois que c’est arrivé, j’étais dans mon salon en train de regarder les Alouettes. On ne va pas là pour la perdre. »
Author: Mariah Ray
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